Connaissance de soi

Étymologie et définitions de "connaissance de soi".

La connaissance de soi est le savoir qu'une personne acquiert sur elle-même, en termes psychologiques ou spirituels, au cours de sa vie à l'occasion de ses expériences.

La connaissance de soi-même est un ordre particulier de connaissance dans la mesure où, à son foyer même, le sujet connaissant et l'objet à connaître sont confondus, il est « juge et partie ». Cette difficulté centrale rend impérative une recherche exigeante de l'objectivité si cette connaissance doit être de quelque conséquence.

La connaissance de soi sollicite la rectitude de la pensée, l'esprit critique et une certaine considération pour le « regard » extérieur des autres. Par sa nature subjective, elle sollicite pour se consolider les exigences métacognitives et en retour, le gain de lucidité sur les caractéristiques personnelles rend possible un savoir plus consistant.


L'empathie n'est pas nécessairement bienveillante. L'empathie du prédateur. (Serge Tisseron)

Source : "L'empathie au cœur du jeu social". Éditions Albin Michel (p 17)

L'empathie du prédateur

Dans le film inglourious Basterds, un officier nazi superbement joué par Christoph Waltz rend visite à un paysan suspecté de cacher une famille juive. Comme Giacomo Rizzlatti, cet officier a fait une découverte extraordinaire qui explique pourquoi il a été surnommé le « chasseur de Juifs ». Le qualificatif lui va très bien, précise-t-il, et il ne songerait pas une seule seconde à le remettre en cause. Car, pour lui, « chasseur » veut dire d'abord détective. Un détective qui, pour trouver ses victimes, doit être capable de penser comme elles, un peu comme un chat s'identifie de temps à autre à la souris qu'il chasse pour anticiper ses réactions. Ce nazi sait donc se mettre à la place des Juifs… tout au moins jusqu'à ce qu'il décide de les tuer. Voilà pourquoi, dit-il, il réussit là où la plupart de ses collègues nazis échouent. Ils sont à son avis trop prisonniers de l'idéologie qui voit dans l'homme allemand un « aigle ». En effet, comment comprendre de quelle façon raisonne un « rat » quand on s'imagine être un aigle ? Car, bien sûr, les juifs sont des rats. Mais ce qualificatif n'a pour lui rien de dévalorisant. Il s'agit seulement de comprendre que les juifs pourchassés sont dans la situation de ces animaux innocents qui doivent apprendre à ruser pour survivre. Pour cet officier, sa capacité à pouvoir s'identifier à une bête mal aimée est la clé des succès qu'il remporte dans sa traque des juifs. Sa longue explication est d'ailleurs aussitôt suivie d'une démonstration. Alors que la maison du paysan auquel il rend visite a été fouillée plusieurs fois sans succès, lui découvre immédiatement l'endroit où la famille juive recherchée s'est cachée. Sans mot dire, il fait mitrailler la cachette. Les malheureux Juifs assassinés seront morts sans avoir eu le temps de comprendre ce qu'il leur arrivait…

Où se situe l'empathie dans cette séquence ? L'officier en fait-il preuve dans la capacité qu'il a de se mettre à la place des Juifs pour anticiper leurs comportements ? Ou bien au contraire n'en a-t-il pas du tout puisqu'il est capable de les faire assassiner sans état d'âme ? Voilà bien le paradoxe de l'empathie : d'un côté, elle permet de comprendre son prochain, mais de l'autre, elle n'empêche pas de nier son humanité. En fait, l'empathie a deux visages, comme le dieu Janus dans l'Antiquité : d'une part elle nous permet d'avoir une représentation du fonctionnement mental et affectif de nos interlocuteurs ; d'autre part, elle nous fait entrer en résonnance avec les deux états sensoriels et émotionnels. Ces deux aspects ne sont pas forcément liés. La preuve : un exemple d'empathie du premier genre a récemment été donné par des fonctionnaires des services de renseignements nord-américains chargés d'imaginer des tortures adaptées à chaque détenu de la prison d'Abou Ghraïb ; un condamné qui avait peur des insectes fut menacé d'en avoir un dans sa cellule, évidemment plongée dans la plus complète obscurité… Si l'empathie eut la capacité de comprendre autrui, le bourreau professionnel doit décidément en être bien pourvu. Cela le rend plus efficace !

Mais si nous pensons que l'empathie comporte une forme de résonnance émotionnelle avec ce qu'éprouve autrui, il est préférable que le bourreau n'en ait aucune, sans quoi il ne pourrait plus faire son travail. C'est à ce second usage du mot que fait référence Nicole Catheline lorsqu'elle évoque les adolescents capables de prendre la défense des enfants désignés comme boucs émissaires par leurs camarades. Ces adolescents, nous dit-elle, demandent aux agresseurs d'arrêter sous l'effet de « l'empathie éprouvée pour la victime ». Le mot est utilisé ici dans le sens de la capacité non seulement d'identifier la souffrance éprouvée par l'autre, mais aussi d'en être affecté.

En pratique, ces deux formes d'empathie se répartissent différemment chez chaque être humain. L'un éprouve de l'empathie pour la souffrance de sa femme et pas pour celle de son voisin, tandis qu'un autre ressent tout le contraire. Il y a aussi ceux qui se disent attendris par les mimiques de leur animal domestique alors qu'ils parlent de « grimaces de singe » pour évoquer les manifestations émotionnelles d'un homme d'une autre couleur de peau que la leur. Sans oublier ceux qui ont de l'empathie pour un de leurs deux enfants, qu'ils choient et comblent de cadeaux, tandis qu'ils traitent l'autre comme un chien. Et il y en a même qui sont bouleversés par les émotions feintes d'un acteur - voire par celles d'un personnage de dessin animé -, alors qu'ils restent de marbre face à celle d'autres êtres humains, comme ces soldats américains en Irak capables de vibrer d'empathie pour les victimes virtuelles d'un film d'horreur comme Saw, et qui ne semblent rien ressentir pour les victimes bien réelles qu'ils côtoient chaque jour.

Alors face à un tel éventail de possibilités, où situer l'empathie ? »

À venir...

À venir...