Cyril Dion
Réalisateur, écrivain et écologiste.
De
nouveaux récits pour une nouvelle direction.
Source : Vers de nouveaux récits ? (Greenletter Club, 45mn).
Pourquoi c'est important d'inventer des nouveaux récits ?
« Je crois, et je ne suis
pas le seul, que les récits sont le moyen
que les êtres humains ont trouvé pour partager leur subjectivité avec les
autres. En gros c'est notre façon de partager notre vision du monde. C'est même
plus que ça, c'est notre façon de synthétiser, formuler, notre vision du monde,
notre perception du monde, et de la partager avec les autres. La romancière Nancy
Huston qui dit que raconter des histoires pour les humains c'est notre façon
d'être au monde. Et donc on est un peu des machines à raconter des histoires,
on passe notre temps à faire ça. On passe notre temps à regarder le réel depuis
notre fenêtre, c'est un peu le mythe de la caverne de Platon, à le voir de
façon donc assez parcellaire, on en voit seulement des bouts. Et ces bouts on
essaye de leur donner du sens, de les agencer dans quelque chose qui souvent a
un début, un milieu, une fin. Et ce qui est intéressant, c'est qu'on utilise
ces histoires, ces récits, pour partager avec les autres notre vision du monde.
Et parfois il y a des gens qui
adhèrent aux histoires qu'on leur raconte, et qui se mettent à les faire leurs.
Et ce que dit par exemple un type comme Harari, c'est que plus on est nombreux
à adhérer à une même histoire, au même récit, plus ensuite on est nombreux à
obéir aux mêmes règles, aux mêmes lois, aux mêmes normes, parce que ces récits
deviennent collectifs. Et
quand ils deviennent largement collectifs, ils peuvent se transformer en
structure politique, en structure économique, en structure religieuse. Le
christianisme ou l'islam, ou le judaïsme, ce sont des histoires. Le communisme,
le fascisme ou le capitalisme, ce sont des histoires. Donc aujourd'hui on a besoin de
prendre conscience qu'on vit dans un récit, dans plusieurs récits, mais il y a
quand même un récit dominant qui donne une sorte de direction à notre société.
Et que ce récit n'est qu'un récit,
donc ce n'est pas une réalité immuable. Donc si ce récit a été élaboré par des
humains, ça veut dire que les humains peuvent le changer, ou que d'autres
peuvent décider de faire émerger d'autres récits. ».